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Souvenir d'enfance : Le printemps
La saison la plus magnifique et la plus attendue par tous, hommes et bêtes, est sans aucun doute le printemps. Dès que le mois de mars s’annonce avec ses giboulées, une énergie inhabituelle commence à se faufiler à travers tous les organismes. Les champs verdissent, les arbres bourgeonnent, les oiseaux font entendre leurs joyeux chants et les animaux broutent la tendre herbe qui revêt les collines et les flancs des montagnes. Les personnes, longtemps encapuchonnées et tapies dans leurs demeures autour d’un feu de bois, ont maintenant le visage illuminé par un éternel sourire accueillant la belle saison.
Voilà les champs qui se drapent de leur tapis vert de blé et autre culture saisonnière, bariolés de taches mouvantes qui se ploient et se redressent continuellement. C’est les filles qui arrachent l’herbe pour la ramener aux bêtes. Les papillons, pressés de vivre, déploient leurs ailes bigarrées de couleurs défiant le plus hardi des peintres, embrassent d’une affection amoureuse les fleurs épanouies. Un tableau vivant, enivrant et aux couleurs chatoyantes, éclairé par un doux soleil se dessine continuellement pour le plaisir des yeux admiratifs. Et les oiseaux, cherchant la nourriture pour leurs oisillons, émettent une musique harmonieusement orchestrée, voulant chacun, comme dans une compétition, dominer le chant des autres et prouver par une mélodie inaccoutumée leur joie de vivre. De temps en temps, cependant, le braire d’un âne vient briser cette euphorie par son cri strident qui ne dure, fort heureusement, que quelques instants, mais suffisamment discordant pour désenchanter cette symphonie. Quelle magnificence ! La terre de nouveau redevient vivante après une longue léthargie. La vie reprend son élan après une hibernation qui semblait être la dernière heure. Toute la nature renait de son propre cendre comme le phénix. De la colline, on pouvait apercevoir toute ce lac de verdure se déployant à ses pieds. De toutes parts, les montagnes, tantôt grises, tantôt vertes, enlaçaient ce lac et l’enfermaient comme une muraille infranchissable. Aux flancs bas de celles-ci, les amandiers affichaient leurs jeunes pousses et leurs fleurs roses ou blanches dessinant un magnifique arrière plan. C’était la vie toute colorée, toute bigarrée, toute joyeuse qui surgissait soudainement face à la tyrannie du temps qui allait, malheureusement dans quelques mois semer les graines de la faucheuses rendant blême et blafard tout ce qui, il y a quelque temps, était la vie même sous tous ses aspects les plus spectaculaires. |
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Souvenir d'enfance
Je suis né au bord d’un ravin, dans une masure au pied d’une colline abritant quelques arbres rares et qui n’existent, à ma connaissance, que sur ce monticule. Leurs feuilles sont sous forme de petites aiguilles. Leurs fruits, un peu plus grands que les petits pois, sont de couleur orange quand ils sont mûrs. Leurs troncs et Leurs branches sécrètent une sorte de gomme au goût acre et que nous mâchions comme du chewing-gum. Au sommet de ce monticule trônait Sidi Messoud, un amas de pierre en forme d’un carré arrondi aux coins qui constituent des niches où certains allumaient des bougies pour attirer la bénédiction du saint. Ce lieu était sensé renfermer le tombeau du dit saint Sidi Messoud.
Le tombeau, s’il en était vraiment, fut un jour violé par quelque chercheur de trésor. En effet, plusieurs lieux portant des noms de saint étaient, et sont toujours, des endroits respectés par les gens, mais qui sont en réalité des signes pour marquer l’emplacement d’un trésor enfoui il y a très longtemps, d’après certaines rumeurs. Toujours est-il que ce lieu a bel et bien été violé car un jour nous avions trouvé une grande fosse béante dans son enceinte. C’était l’indignation totale.
Cette colline verdoyante au printemps et aride en été avait une vue stratégique dans la direction de l’Est, où s’étendent les vastes et seules plaines de la région, et dans celle de l’Ouest où émerge le village à quelque quatre kilomètres plus loin. Assis sous l’un de ces arbres que nous appelions Tekka, nous admirions les environs qui s’offraient à nous dans une vision panoramique sidérante. Cette élévation était une offrande divine contre la canicule estivale car une légère brise fraiche y soufflait continuellement et l’ombre offerte par ces arbres constituait un réel confort dans cette pauvre campagne.
Le suivi des véhicules qui sillonnaient la route sinueuse qui serpentait à travers les ravins au pied de la grande montagne, constituait l’unique antidote contre l’ennui et la routine. Mais notre ouverture sur le monde était assurée par la radio qui nous accompagnait et les livres que nous pouvions trouver. Nous passions les après-midis étendus dans l’ombre sur une peau de mouton ou assis sur les pierres que nous avions aménagées en forme de chaises plus ou moins confortables jusqu’au coucher du soleil. C’est alors que nous allions rentrer les bêtes à l’étable pour enfin prendre rendez-vous sur la route pour notre promenade nocturne.
Enfants, nous jouions jusqu’à ce que la nuit noire et la fatigue nous obligeaient à rentrer dans nos chaumières. Nous pratiquions différentes sortes de jeux. Chaque saison avait son jeu propre. Les jeux qui exigeaient une grande activité étaient surtout pratiqués pendant les froides saisons. Cela nous permettait de nous réchauffer. Il y avait également des jeux spécifiques pour chaque moment de la journée. La chasse aux oiseaux était très prisée par tous les enfants. Mais les oiseaux étaient rares et souvent nos pièges en fil de fer restaient dressés jusqu’au lendemain sans prise aucune.
En dépit de tout, nous, enfants, étions insouciants car le monde se limitait pour nous à ce cercle de hautes montagnes qui cernaient notre campagne de toute part, l’enfermant dans une prison naturelle dont la seule issue était la route nationale et un ciel dont la prodigieuse immensité nous émerveillait surtout en été où sa crudité faisait ressortir un essaim d’étoiles scintillantes dessinant des formes qui nous subjuguaient et déchainaient notre imagination naissante.
à suivre... |